Crime et châtiment (4/100)

de Fedor Mikhaïlovitc Dostoïevski
Folio classique - 1995
669 pages - 14,75 $

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Pourquoi ce livre

Parce que je suis quand même curieuse des grands classiques, parce que ça fait sérieux, parce que ça rend ma bibliothèque plus éclectique...  Et puis, ce qui m'a décidé à lire ce lire qui traînait dans ma bibliothèque... c'est le club des 100 ! voici donc mon quatrième livre lu de la liste. 

Le résumé 

«Raskolnikov se mit à trembler de tout son corps comme un homme frappé d'un coup terrible.
- Mais... alors... qui... est l'assassin ? balbutia-t-il d'une voix entrecoupée.
Porphyre Petrovitch se renversa sur sa chaise, de l'air d'un homme stupéfait par une question abracadabrante.
- Comment, qui est l'assassin ? répéta-t-il comme s'il n'en pouvait croire ses oreilles, mais c'est vous.»

L'histoire sans la dévoiler

Raskolnikov alias Rodia alias Rodion alias Rodka, etc. a tué une prêteuse sur gage, mégère, acariâtre et peu aimée. Pourquoi ? C'est en lisant le livre que vous le saurez, il est déjà suffisant que vous sachiez dès le départ qu'il a tué (mais je ne dirai pas combien de personnes...)

Ce que j'en pense

Il est peu usuel que l'on sache d'entrée de jeu qui a tué, même s'il faut dire que ledit meurtre n'arrive qu'après 80 pages environ. Rodia est l'assassin, c'est écrit sur la quatrième de couverture, alors pourquoi 80 pages avant de passer à l'action ? C'est le temps qu'il lui faut pour se résoudre à commettre son crime après de longs et multiples questionnements. 

Une fois le crime commis, que se passe-t-il dans les 500 et quelques pages ? De longs et multiples questionnements sur l'acte en lui-même et sur le fait de se livrer ou non. Rodion délire, se désillusionne, devient tour à tout agressif, apathique, délirant, sympathique (il vient en aide aux gens), antipathique (dû à son dédain agressif), larmoyant, vitupérant... Vous l'avez compris, on passe par une myriade de sentiments. 

Personnellement, ce que j'aime le moins dans la littérature dite blanche, c'est ce que je considère comme du nombrilisme (que vis-je, ou vais-je, dans quel état j'erre...) et des atermoiements sans fin. Là, j'étais gâtée. Pour autant, il faut reconnaître le génie de Dostoïevski qui nous entraîne dans cette spirale de folie sur plus de 600 pages, en réussissant à créer des moments d'une intensité extraordinaire. Qui plus est, il réussit à faire en sorte que Rodia ne paraisse pas comme le monstre qu'il est, puisque tout le monde se met en quatre pour lui (même la police cherche à l'aider).

L'écriture en elle-même, dont les dialogues peuvent être hachés, débités ou confus, me donnait parfois l'impression de lire une pièce de théâtre. Une pièce dont l'extravagance des propos et le sur-jeux des personnages nous rapprochent, bizarrement, encore plus des protagonistes. Les personnages sont régulièrement extrêmes, ils ne parlent pas : ils glapissent, crient, balbutient, s'émeuvent, se tordent les mains, tremblent de fièvre. L'auteur utilise aussi très souvent les parenthèses pour ajouter une information ou insister sur un point, ce qui peut déstabiliser ou agacer parfois, car il n'est pas naturel d'en truffer une discussion. Dernier point, les noms russes ne sont pas fixés : Rodion peut être appelé de plusieurs façons et c'est la même chose pour les autres personnages, ce qui rend parfois malaisé de savoir de qui il s'agit.

Oui, j'ai eu du mal par moment : ce n'est pas mon genre de lecture, je l'ai déjà dit, mais la qualité de l'écriture, la puissance du récit, la caractérisation des personnages, l'ambiance créée, tout cela a largement compensé les quelques moments plus difficiles. Je me suis plongée comme jamais dans une époque, parmi des personnes, certes bien souvent fantasques et à la limite du caricatural, mais c'est ce qui permet de mieux se les approprier. 

Un extrait

- Et vous, comment le savez-vous ?
- Mais... j'en sais peut-être plus que vous-même là-dessus.
- Que vous êtes étrange !... vous êtes sans doute fort malade encore. Vous avez eu tort de sortir.
- Je vous parais étrange ?
- Oui. Qu'est-ce que vous lisez là ?
- Les journaux.
- Il est souvent question d'incendies...
- Non, je ne m'occupe pas des incendies, et il regarda Zamiotov d'un air singulier; le même sourire ironique tordit ses lèvres. Non, reprit-il, je ne parle pas des incendies, - il cligna des yeux. - Avouez, cher ami, que vous brûlez d'envie de savoir ce que je lisais ?
- Pas du tout ! Je vous demandais cela pour dire quelque chose. Comme si l'on ne pouvait pas demander... Mais qu'avez-vous tout le temps !...

Bref

C'est l'histoire des tergiversations d'un criminel dont la pensée quant à ses possibles aveux est régulièrement freinée par de multiples rencontres et histoires vécues par d'autres personnages. Il faut savoir que l'histoire se déroule sur environ deux semaines... sur plus de 600 pages! Les relations humaines sont donc très importantes et particulièrement bien traitées dans ce livre. Pour qui aime le relationnel et les histoires humaines, ce roman est un chef d'oeuvre. Pour qui aime l'action et les prises de décision... pas sûre!

Fait intéressant

Quand même c'est fort : en cherchant Crime et châtiment sur le site de Renaud-Bray, la suggestion en bas de page était... tada : 50 nuances de Grey!

Plus sérieusement, Nietzsche a dit de Dostoïevski qu'il était le seul à lui avoir appris quelque chose en psychologie... Cela vous donne une idée de la puissance des personnages que vous allez rencontrer dans ses livres, n'est-ce pas ? Référence