Les impliqués de Zygmunt Miłoszewski

Une enquête du procureur Szacki
480 pages
Pocket (Feb. 23 2015)


J'essaie régulièrement de découvrir de nouveaux auteurs, issus de différents coins géographiques... et je rate régulièrement un des objectifs, à savoir les coins géographiques. Je me rends compte que même si je prends des auteurs inconnus ou du moins jamais lus, ils viennent un peu tous des mêmes zones (de confort ?) : France, États-Unis, Canada, Grande-Bretagne et voilà... J'étais donc très fière de moi quand j'ai choisi ce roman de Zygmunt Miloszewski, Polonais d'origine (même si je dois avouer que c'est moins l'origine géographique que la couverture qui m'a incitée à l'acheter).

Une chose est sûre, je ne regrette pas du tout d'avoir choisi cette couverture ce livre ! Certains y trouveront avec plaisir une certaine référence à Agatha Christie : un meurtre à huis clos, des personnages interrogés un par un, mais un dévoilement fait en groupe ou auront l'impression d'être dans un Cluedo géant (parce que cette fois, le crime a bien lieu dans la cuisine !) D'autres seront ravis par les personnages parfois décalés, parfois torturés, mais toujours bien écrits. On suit d'ailleurs de près le procureur Téodore Szacki et ses réflexions tant sur les enquêtes en cours que sur sa vie personnelle.

J'ai apprécié de découvrir le système judiciaire polonais qui ressemble un peu au système français. C'est le procureur qui mène l'enquête, aidé par la police. Enquête que Téodore aura du mal à faire, d'ailleurs, car il met le pied dans une machination visant à l'empêcher de trop fouiller dans le passé de la victime. Alors, certes, l'histoire mêle beaucoup de trames différentes, mais chacune a le mérite de lever le voile sur des sujets différents, que ce soit l'histoire sombre et politique de la Pologne ou les thérapies à la mode du jour.

J'ai aimé participer aux coulisses du monde judiciaire : ici pas de résolution en grandes pompes de chaque affaire, mais des bureaux qui croulent sous les dossiers, des procureurs qui passent plus de temps à remplir de la paperasse qu'à enquêter, des enquêtes bâclées par manque de moyens ou par désillusion sur la justice rendue.

J'ai trouvé original les extraits de journaux en début de chapitre qui donne une idée de l'actualité du jour concerné. Cela permet de revisiter l'histoire vu de l'angle polonais. On découvre ainsi tout autant la température du jour que les magouilles politiques des élections en cours. Ça donne un contexte à l'histoire et nous donne l'impression de faire partie de ce pays, à ce moment-là.

Petite difficulté dans la lecture avec les noms parfois imprononçable pour les francophones, donc difficiles à retenir et très facile à mélanger. Il faut se concentrer au départ pour ne pas confondre les personnages et comprendre le déroulement de l'histoire. Petit bémol pour certains peut-être : ce n'est pas un thriller haletant, l'enquête prend son temps. En ce qui me concerne, j'ai trouvé que cela servait parfaitement à souligner la lourdeur du système judiciaire, les difficultés dues au contexte historique et sociétal de la Pologne de 2005.

Mais quelle est l'histoire ?


Varsovie, 2005. Sous la houlette du docteur Rudzki, quatre patients ont investi l'ancien monastère de la Vierge Marie de Czestochowa. Entre huis clos et jeux de rôles, cette nouvelle méthode de thérapie de groupe, dite "Constellation familiale", ne manque pas d'intensité. Au point qu'un matin, l'un d'entre eux est retrouvé mort au réfectoire, une broche à rôtir dans l'oeil...

Pour le procureur Teodore Szacki, l'expérience est allée trop loin. À moins qu'elle n'ait éveillé un passé enfoui, que la Pologne se tue à essayer d'étouffer...

Bref


Un très bon premier polar pour cet écrivain polonais qu'il faut suivre, car il semble que le deuxième tome de la série soit encore meilleur ! C'est un 4/5 pour moi.

Yeruldelgger de Ian Manook

Le livre de poche - 02/01/2015
630 pages





Honnêtement, ce qui m'a d'abord attiré dans ce roman, c'est la mention Quais du Polar, parce qu'en général, c'est du lourd ! Et puis, le nom improbable pour un héro de polar français : Yeruldelgger (Ian Manook nous offre d'ailleurs une vidéo dans laquelle il explique comment le prononcer. C'est par ici

Et est-ce que le livre a été à la hauteur de mes attentes ? Oh, que oui ! Dans la lignée des polars ethnologiques que j'apprécie de plus en plus, Ian Manook fait très fort. Il réussit à créer une histoire prenante, parfois dérangeante (c'est qu'il est assez violent ce Yeruldelgger!), tout en nous faisant voyager dans une contrée qu'on voit très peu dans les romans. 

Un des personnages phares de ce roman est... la Mongolie ! L'auteur a beaucoup voyagé dans sa vie et a fait un tour par ce pays dont il a visiblement gardé un souvenir très cher. On sent l'amour de Ian Manook pour ce pays, dont il dresse un portait grandiose, sauvage, rude et d'une beauté incroyable. J'ai d'ailleurs adoré tous les détails sur la façon de vivre en Mongolie. Comment entrer dans une yourte, dans quel sens s'y déplacer, que faire lorsqu'une personne part, etc. (oui, bah non, je ne vais pas vous donner les solutions ! Il vous faudra lire le livre, mouahaha), toutes ces informations que l'on retrouve, sans jamais alourdir le récit, sans jamais donner l'impression de lire un essai sur la Mongolie, font le charme du roman. 

De la même façon, les personnages, très bien écrits, se font le miroir de ce pays. Yeruldelgger est aussi sauvage et rude que son pays, mais il sait aussi fait preuve de compassion et de respect pour les traditions. Yeruldelgger, c'est le cow-boy des temps modernes qui chevauche aussi aisément les chevaux que les quads. Un flic qui ne s'embarrasse pas des principes et des lois et fait souvent sa propre loi, n'hésitant pas à tuer à l'aide de complices vraiment pas ordinaires (comme un ours, par exemple. Oui, je sais, je donne rarement des infos sur les histoires, c'est cadeau). Et puis, Ian Manook donne une belle part aux personnages féminins. Des femmes fortes et courageuses qui protègent Yeruldelgger, je pense à Solongo la médecin légiste et Oyum sa partenaire. 

À savoir, ce livre est très violent. Alors, oui, c'est un roman rude et sauvage, comme les paysages, comme les personnages, mais la violence s'inscrit bien dans le récit. Cependant, je préfère lancer l'info que de vous laisser la surprise : il y a une scène de viol qui n'est pas facile à lire. Je sais que ce genre de scène gâche irrémédiablement la lecture de certaines personnes, c'est donc mieux de le savoir d'avance. 

Un petit mot sur l'écriture de Ian Manook que j'ai beaucoup aimé. Une écriture dense, nerveuse et fluide. Des chapitres court au suspense renouvelé. Les chapitres sont très nombreux et parfois très courts (1 à 2 pages) et les titres sont composés de la dernière ligne de chaque chapitre. Le tout donne une impression de nervosité et d'anticipation, puisqu'on se demande parfois ce que signifie cette dernière ligne. J'ai trouvé ça très intelligent et original.

Mais quelle est l'histoire ?

Le corps enfoui d'une enfant, découvert dans la steppe par des nomades mongols, réveille chez le commissaire Yeruldelgger le cauchemar de l'assassinat jamais élucidé de sa propre fille. Peu à peu, ce qui pourrait lier ces deux crimes avec d'autres plus atroces encore, va le forcer à affronter la terrible vérité. Il n'y a pas que les tombes qui soient sauvages en Mongolie. Pour certains hommes, le trafic des précieuses « terres rares » vaut largement le prix de plusieurs vies. Innocentes ou pas. Dans ce thriller d'une maîtrise époustouflante, Ian Manook nous entraine sur un rythme effréné des déserts balayés par les vents de l'Asie Centrale jusqu'à l'enfer des bas-fonds d'Oulan-Bator.

Bref

Un vrai régal de roman ethnologique, une écriture très prenante, des personnages qu'on aime. J'ai hâte de lire la suite ! C'est un 4.5/5 pour moi !