La servante écarlate de Margaret Atwood

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j'avais une certaine idée très préconçue sur Margaret Atwood. Beaucoup en parle comme d'une féministe et j'avais peur que ces récits soient trop teintés de prise de position revancharde (oui, le vieux préjugé de la féministe aigrie, alors que je le suis moi-même !) Bref, je n'ai jamais été attirée par ces romans... jusqu'à ce que je regarde la série The Handmaid's Tale et que je la trouve géniale ! J'ai donc décidé de ne pas regarder le dernier épisode, foncé acheter le livre que j'ai lu avant de finir la série télé. 

Alors, comme d'habitude, la série et le livre ne sont pas identiques, mais je dois dire que l'ambiance et ce monde complètement anxiogène le sont. Quant au livre, le livre !! Mais quel plaisir à lire ! L'écriture est excellente, fluide, agréable, pleine de surprises. Avec juste ces phrases qui détonnent, qui surprennent, qui apporte une élément inattendu ou au contraire attendu, mais plus rapidement et brusquement que prévu.


(Désolée pour les extraits en anglais, c'est la langue dans laquelle j'ai lu le livre !
Every night when I go to bed I think, In the morning I will wake up in my own house and things will be back the way they were.
It hasn't happened this morning either.
J'aime le fait que les dialogues soient parfois dans la tête de Defred, mélangés avec ses réflexions et ses pensées et pourtant, cela reste très clair, très cohérent, on ne se demande pas "mais à qui parle-t-elle?" ou "elle parle ou elle pense là ?". C'est très bien maîtrisé et cela donne un rythme différent, beaucoup moins ennuyant que les récits où les pensées et les dialogues sont strictement séparés.
But watch out, Commander, I tell him in my head. I've got my eye on you. One false move and I'm dead.
Still, it must be hell, to be a man, like that.
It must be just fine.
It must be hell.
It must be very silent.
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I put my mouth to the wooden hole. Moira? I whisper.
Is that you? She says.
Yes, I say. Relief goes through me. 
God, do I need a cigarette, says Moira. 
Me too, I say. 
I feel ridiculously happy.
J'aime ces phrases profondes qui poussent à la réflexion : 
Ignoring isn't the same as ignorance, you have to work at it.
Night falls. Or has fallen. Why is it that night falls, instead of rising, like the dawn?
Bref, je suis super vendue à la qualité de ce livre, de son écriture, de ses personnages si bien écrits, à son histoire, dystopique mais en même temps réaliste.

Je parlais du sujet hyper actuel du livre et une amie me disait que non, c'était exagéré, que nous n'avions pas à nous plaindre, nous qui vivions dans une société libre et occidentale, que ça ne pourrait pas arriver... Mais de quoi parle ce livre ? De la place des femmes dans une société dirigée par des hommes. Alors certes, nous ne vivons pas dans des pays où nous ne pouvons pas travailler, ni avoir de compte bancaire... mais dois-je rappeler que la liberté des femmes de choisir leur travail et d'ouvrir un compte date de 1964 au Québec et 1965 en France ? Même pas, il suffit de regarder la vague Weinstein actuelle aux USA pour se rendre compte que pour certains, le corps des femmes n'est qu'un objet utilitaire...

Alors, je ne partirai pas un débat féministe ici, mais je tiens seulement à souligner l'importance des livres comme La servante écarlate, pour nous faire réfléchir et prendre conscience que tout n'est pas gagné et que tout peut être perdu.

Quant à l'histoire en elle-même, je dois avouer que j'ai été légèrement déçue par la fin en demi-teinte, il y a de l'espoir, mais pour Defred, c'est un peu le flou artistique. Et j'aime les fins franches : ça fini bien ou mal, mais cela m'appartient et si vous aimez les demi-teintes, vous allez adorer cette épilogue ! 

Mais quelle est l'histoire ?

La servante écarlate, c'est Defred, une entreprise de salubrité publique à elle seule.
En ces temps de dénatalité galopante, elle doit mettre au service de la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, son attribut le plus précieux : sa matrice. Vêtue d'écarlate, à l'exception des voiles blancs de sa cornette, elle accomplit sa tâche comme une somnambule. Doit-elle céder à la révolte, tenter de tromper le système ? Le soir, Defred regagne sa chambre à l'austérité monacale.
Elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, d'échanger des confidences, de dépenser de l'argent, d'avoir un travail, un nom, des amants. C'était le temps où l'amour était au centre de tout. L'amour, cette chose si douce aujourd'hui punie de mort. Oeuvre majeure, La Servante écarlate n'est pas sans rappeler 1984 d'Orwell. Mais, au-delà de cette magistrale création d'un monde, c'est la question du rôle et de l'avenir des femmes que pose, avec force, ce roman inoubliable.